Victor Serge – Héros et martyrs du communisme: Vladimir Ossipovitch, Lichtenstadt (1919)
A biographical sketch of Lichtenstad is possibile read here.
Bullettin communiste 6 octobre 1921
I
Voici un homme de cette race. J’aurais voulu consacrer à sa mémoire une monographie complète. D’autres la feront peut-être bientôt : l’homme était de valeur et vaut d’être connu. Ne sachant de sa vie et de sa pensée que les grandes lignes, je ne puis que tracer de lui un portrait — ou plutôt l’esquisse d’un portrait. Ce sera quand même utile. Le révolutionnaire était en lui typique. Il avait passé par toutes les rudes écoles de sa génération, parcouru les stades d’une longue évolution psychologique avant de devenir un communiste. Communiste, il l’a été sans réserves, jusqu’au don absolu de soi-même La formation et le caractère de tels hommes sont pleins d’enseignements. Et leur exemple doit rester, — et c’est un devoir chez ceux qui leur survivent de ne laisser perdre ni l’enseignement, ni l’exemple, ni simplement et pieusement, le souvenir.
II
Je ne sais rien de plus de son enfance. L’adolescent fut sérieux et, de bonne heure, travailleur. Ce qu’il y a d’exubérance dans toute sa jeunesse se dépensa chez lui en lyrisme. Il admira les poètes et, probablement, fut quelque peu poète lui-même. Parmi ses premiers travaux personnels furent des essais d’esthétique et une traduction en russe, d’un style remarquablement soigné, des Paradis artificiels, de Baudelaire.
Comment devint-il révolutionnaire ? En Russie cette question fait sourire. Ne pas être révolutionnaire dans ce milieu, à cette époque eût été très surprenant. Toute la jeunesse des écoles était social-démocrate, socialiste-révolutionnaire, anarchiste. Dans les quartiers ouvriers, dans les universités, la révolution fermentait déjà. Ses idées hantaient tous les cerveaux. En dehors d’elles il n’y avait ni vie publique, ni aspirations d’aucune sorte. L’art même était rigoureusement social. Presque tous les poètes russes ont connu l’exil, tous les romanciers ont été des pionniers de la révolution dans les mœurs et dans les cerveaux, des accusateurs de l’ancien régime.